Analyse des modèles de gouvernance des aires protégées non étatiques au Kenya
Par Phil Franks, IIED
L'UICN-Papaco et l'Institut international pour l'environnement et le développement (IIED) ont mené une enquête sur les aires protégées non étatiques au Kenya, où ce type de gouvernance est assez courant. Ces types d'arrangements de gouvernance méritent d'être mieux connus car ils peuvent inspirer l'évolution de la gouvernance dans d'autres contextes menant à la création ou au renforcement des aires protégées (et des systèmes d'AP) en Afrique.
Cette étude se focalise sur la gouvernance des aires protégées (AP) au Kenya où les modèles de gestion et de gouvernance sont en grande partie mis en œuvre par la société civile et/ou les acteurs du secteur privé. En termes de gouvernance, il s’agit du secteur des AP non étatique. Dans la plupart des cas, les ressources de ces AP sont détenues par des acteurs non étatiques mais il y a également certaines AP ayant des ressources légalement détenues par l'État mais dont la gestion revient largement à des acteurs non étatiques – c’est le cas notamment des zones de conservation marines.
L'étude porte sur un échantillon de huit AP issues des trois paysages terrestres/marins les plus importants du Kenya. Sept d’entre elles sont enregistrées en tant que conservancies (1)Ìý en vertu de la loi de 2013 sur la conservation et la gestion de la faune sauvage, qui cherche à mieux reconnaitre la contribution des acteurs non étatiques à la conservation de la nature au Kenya. Dans tous les cas de cette étude, à l’exception d’une seule AP de l’échantillon, les systèmes traditionnels de gestion des ressources ont été au moins partiellement remplacés par des initiatives gouvernementales ou deÌý bailleurs dans les années 70, 80 et 90 pour former des « Group Ranches » dans les zones terrestres et des Unités de Gestion des Plages (UGP) sur la côte. Ces deux types de modèles ont largement échoué à fournir une gestion durable des ressources, et a fortiori une conservation effective de la nature. Les arrangements plus traditionnels qui ont précédé les Group Ranches et les UGP ont largement disparu et le contexte a changé si radicalement qu'il n'y a plus de retour en arrière possible dorénavant.
Dans 7 des 8 AP étudiées, les dispositifs de gouvernance visent à engager un large panel de parties prenantes différentes qui ont elles-mêmes un éventail variés d'intérêts (éventail qui continue d’ailleurs à s'élargir). Cela nécessite une approche commune en matière de propriété de façon à adapter la gestion et la gouvernance à cet objectif. Cette étude explore les forces, les défis et les facteurs favorables inhérents à ces différents types de gouvernance dans le but de pouvoir ensuite mieux renforcer les systèmes de gouvernance de ces AP non étatiques.
Afin de mieux comprendre les différents types de gouvernance, nous avons proposé une extension du cadre classique des 4 types de gouvernance des AP (typologie de l’UICN) pour inclure un ensemble de sous-types qui se distinguent principalement par l'influence relative des communautés locales, du secteur privé et des acteurs gouvernementaux dans les prises de décisions, lorsque les communautés locales et les entités du secteur privé sont les principaux acteurs :
• Gouvernance privée pure
•ÌýGouvernance privée consultative
• Gouvernance partagée dirigée par le secteur privé
• Gouvernance partagée conjointe
• Gouvernance partagée dirigée par les communautés
• Gouvernance communautaire consultativeÌý
À l'heure actuelle, le Kenya compte 411 AP figurant dans la base de données mondiale sur les aires protégées (BDMAP). Compte tenu du fait que l’Association pour la Conservation de la Faune Sauvage du Kenya rapporte qu'il y a actuellement 119 conservancies au Kenya, et qu'un bon nombre d'entre elles ne sont pas encore incluses dans la BDMAP, il semble probable que le nombre total d'AP au Kenya dépasse en fait les 500, actuellement. En raison du grand nombre de réserves forestières (234) et des AP relevant de l’agence des aires protégées du Kenya (Kenya Wildlife Service), le secteur étatique représente la plus grande partie de ces AP.Ìý Cependant la croissance la plus forte du nombre total d'AP au cours de ces dernières années provient, elle, du secteur non étatique.
La politique nationale soutient de plus en plus les AP non étatiques, notamment en vertu de la loi de 2013 sur la conservation et la gestion de la faune qui reconnaît officiellement les conservancies et les associations nationales ou, à l’échelle des paysages, qui renforce ces conservancies et leur donne plus de poids collectif. Cela dit, les règlements (arrêtés) importants nécessaires à l'opérationnalisation de cette loi de 2013 doivent encore être finalisés et approuvés. La loi de 2013 couvre les AP marines aussi bien que les AP terrestres. Bien que la législation sur les pêches n'ait pas encore sa propre disposition spécifique au sujet des AP, elle promeut cependant fortement la gestion communautaire des pêches, et la loi de 2016 mentionne la conservation comme addition à la liste des objectifs de la gestion des pêcheries.
Les aires protégées sont intrinsèquement un Ensemble de Ressources Communes (ERC), ressources dont la taille et les caractéristiques rendent difficile, mais pas impossible, d'exclure certaines personnes de l'utilisation de ces ressources. Lorsque la gestion et la gouvernance d'un ERC nécessitent de répondre aux objectifs de plus d'une partie prenante, un régime de gestion commune des biens est alors requis. Dans son travail fondamental sur les ERC, Elinor Ostrom a défini 8 principes clés qui sont essentiels à un régime efficace de gestion des biens communs. En termes de gouvernance des AP (en fonction du type de gouvernance considéré), le principe déterminant est celui de la participation des parties prenantes à la prise de décision. En supposant que la consultation compte comme une forme de participation (même légère), les huit AP de cette étude disposent donc d’un Régime de Gestion de la Propriété Commune (RGPC). La sécurisation des ressources foncières est une condition préalable à une RGPC fructueuse et durable mais, comme l'illustrent plusieurs études de cas de ce rapport, la sécurisation du foncier ne conditionne pas nécessairement la propriété de la ressource, car des droits d'utilisation sécurisés des ressources peuvent également suffire.
Cette étude explore donc les accords de gouvernance (aussi bien en terme de structure que des processus de gouvernance) des AP non-étatiques au Kenya, sur la base d’études de cas de huit AP couvrant les trois les types de gouvernance suivants : communautaire, privée et partagée. En étudiant trois paysages terrestres et marins contrastés (regroupant plusieurs AP), l'objectif était d'analyser les systèmes de gouvernance de 2 à 3 AP appartenant à chacun de ces trois principaux types de gouvernance bien qu'en réalité il s'est avéré impossible de trouver une gouvernance privée dans deux des trois paysages étudiés :
Paysage pastoral du Nord (comtés de Laikipia, Isiolo et Samburu)
- Ranch de Borana : gouvernance privée pure
- Conservancy de Kalama : gouvernance consultative communautaire
- Conservancy de Ol Lentille : gouvernance dirigée par le secteur privé
Paysage duÌý Maasai Mara (comtés de Narok et du Trans Mara)
- Conservancy de Mara Nord : gouvernance partagée conjointe (privée/communautaire)
- Conservancy de Oloisukut : gouvernance consultative communautaire
- Conservancy de Olderkesi : gouvernance dirigée par les communautés
Paysage de la côte Nord (comtés de Lamu et Kilifi)
- Conservancy de Pate : gouvernance dirigée par les communautés (communauté/gouvernement)
- Aire marine gérée localement de Kanamai : gouvernance dirigée par les communautés (communauté/gouvernement)
Comme résumé dans les sections suivantes, notre analyse des forces, des défis et des conditions favorisantes étudie des questions propres à chaque sous-type de gouvernance en particulier, ainsi que des questions plus génériques… (se référer au rapport complet pour plus de détails).
Gouvernance communautaire consultative (Kalama, Oloisukut)
Le terme consultatif signifie que la communauté sollicite la contribution d'une ou de plusieurs autres parties prenantes clés, mais n’est pas nécessairement tenue de les prendre en compte lors de sa prise de décision. Dans les deux cas d’étude de ce type de gouvernance, les autres acteurs clés en question sont principalement le gouvernement du comté et les opérateurs touristiques. C'est le type de gouvernance communautaire le plus solide qui existe au Kenya.
L'une des principales forces de ce type de gouvernance est que la gouvernance communautaire permet, plus que tout autre type, un fort sentiment d'autonomisation et d'engagement collectif de la communauté. Ceci est basé sur la reconnaissance que ce type de gouvernance procure en fait des bénéfices plus tangibles à la communauté (et au processus participatif).
Une autre force de ce type de gouvernance est l’absence d'ambiguïté sur l’entité qui est au contrôle. La communauté peut accepter de consulter d'autres parties prenantes clés sur certaines questions, mais elle n'est pas obligée d'inclure des représentants de ces autres parties prenantes dans son processus de prise de décision. En ce qui concerne le tourisme et d'autres formes d'entreprises basées sur la conservation, l'inconvénient est que ces investissements commerciaux peuvent alors paraître plus risqués pour ces entrepreneurs et donc plus difficiles à sécuriser.
Un autre défi qui peut affecter la gouvernance communautaire plus que les autres types de gouvernance est la vulnérabilité du système de gestion vis-à -vis des pressions sociales locales qui tentent de le faire dévier des règles (par exemple en matière d'application de la loi et d'utilisation des fonds issus de la conservation), et ce en particuliers lorsqu’il n’y a pas de distinctions claires entre les systèmes de gestion et le système de gouvernance au niveau de la conservancy. Bien que cela puisse affecter tous les types de gouvernance à certains niveaux, les structures de gouvernance multi-acteurs permettent, en tous cas, aux autres parties prenantes de tenir la communauté pour responsable de ces décisions, et ce à des degrés divers. Bien sûr, il est possible d'avoir des conservancies capable de rendre efficacement compte aux communautés qu’elles desservent, par exemple lors d'une assemblée générale des membres ou d'autres réunions, mais pour la plupart des communautés, ce mode de fonctionnement n'est pas une pratique traditionnelle et il faudra alors renforcer leurs capacités en terme deÌý responsabilisation et autres aspects de bonne gouvernance si l’on veut faire de la gouvernance communautaire au Kenya un succès durable.
Gouvernance partagée dirigée par la communauté (Olderkesi, Pate, Kanamai)
Les trois AP de cette catégorie étudiées ici sont très différentes, tant par leur contexte (marin versus terrestre) que dans leur modèle foncier (terres de l’État versus terre des communautés). Et pourtant elles ont des forces et des défis communs. L'un des atouts majeurs de ce type de gouvernance est qu'il permet un engagement solide et une forte appropriation de la part de la communauté tout en allouant, en même temps, un rôle substantiel au gouvernement ou au secteur privé. Cela est particulièrement pertinent lorsque le potentiel de génération de revenus sur la base des ressources par ménage membre est faible puisque l'autonomisation de la communauté inhérente à ce type de gouvernance autorise la mise en place de forts processus participatifs qui renforcent l'appropriation et l'engagement communautaire malgré des avantages relativement faibles.
Parce que ce type de gouvernance est dirigé par la communauté, il est logique qu’il s’appuie sur des institutions communautaires existantes qui soient relativement fortes - le Group Ranch dans le cas d'Olderkesi ou les Unités de Gestion des Plages (UGP) dans les deux zones marines. Cependant, ni les Group Ranches ni les UGP n'ont jamais été très prospères au Kenya (à part quelques exceptions notables). Par conséquent, les interventions de conservation basées sur ces institutions existantes doivent toujours être prêtes à investir massivement pour soutenir la gestion et la gouvernance du Group Ranch ou de l’UGP au moins jusqu'à ce que des activités génératrices de revenus alternatives viables apparaissent. Cela dit, il faut être prudent quant à la tendance des acteurs externes à vouloir créer de nouvelles institutions. Ceci est particulièrement préoccupant lorsque cela conduit à un accord de gouvernance à deux niveaux qui pourrait discréditer l'autorité de la structure de gouvernance initiale voire s'avérer être financièrement non durable.
Gouvernance partagée conjointe (Mara North)
L’atout majeur du modèle de la gouvernance partagée conjointe est qu'elle cherche à établir un véritable rapport de force entre les acteurs clés, de sorte que les décisions contestées doivent être discutées en profondeur et parfois même négociées entre ces acteurs. Tant que les coûts de transaction sont soigneusement contrôlés, ceci est susceptible d'améliorer l'efficacité et l'équité de la gestion de la conservation, notamment par une gestion, meilleure et plus juste, des risques et des compromis inévitables à faire entre impact sur la conservation et impacts sociaux.
La conservancy de Mara North, qui dispose actuellement de deux plates-formes décisionnelles fonctionnant plus ou moins au même niveau, est en train de transformer ce système en un système hiérarchisé à deux niveaux, le premier niveau étant un conseil d'administration d'une société mixte de partenaires touristiques et de propriétaires fonciers de la communauté, et le deuxième niveau hiérarchique étant le comité des propriétaires fonciers de la communauté ainsi que ses sous-comités. En fait, il existe également un troisième niveau sous la forme des quatre comités chargés de gérer le pâturage des quatre blocs qui constituent la conservancy de Mara Nord. Bien que cela semble complexe, la conservancy de Mara Nord dispose en réalité des ressources financières nécessaires pour faire fonctionner cette approche à plusieurs niveaux. Et d'autres conservancies dans le Mara avec des revenus équivalents pourraient adopter un modèle similaire.
Avant cette transition en cours au niveau de leur système de gouvernance, vers un modèle de gouvernance partagée paritaire, l'organisation des structures de gouvernance parallèles avait en fait donné aux acteurs du secteur privé (opérateurs touristiques) une position plus forte en partie à cause du fait que c’était leurs entreprises qui contrôlaient les flux financiers alimentant la conservancy. Le processus de réforme en cours reflète la reconnaissance par les deux parties (opérateurs touristiques et propriétaires foncier de la communauté) que cela devenait de plus en plus problématique, et que la possibilité de renforcer le sentiment d'une confiance croissante entre ces acteurs clés présentait une réelle opportunité gagnant-gagnant à tester.
Gouvernance partagée dirigée par le secteur privé (Ol Lentille)
Un avantage de ce type de gouvernance est la relative simplicité de ses processus de prise de décision et la clarté de qui est tenu responsable, puisque l'autorité de gestion incombe principalement à l'acteur du secteur privé. Cette situation à Ol Lentille est similaire à celle de Mara Nord avant son processus de réforme en cours avec les partenaires du secteur privé (mais il y a un seul privé à Ol Lentille au lieu de douze a Mara North) ayant un pouvoir de gestion total sur la conservancy en échange d'une redevance annuelle fixe payée à chaque membre de la conservancy ainsi que les taxes sur chaque nuit passée par les visiteurs dans leur lodge. En outre, à Ìý Ol Lentille, le partenaire touristique du secteur privé a mobilisé des dons substantiels auprès de ses clients pour soutenir des projets de développement communautaire - plus que toute autre conservancy incluse dans cette étude.
Dans les premières années, la conservancy comprenait des terres provenant d'un seul Group Ranch sous une entente de type « gouvernance partagée » où les décisions étaient prises en discutant avec les membres de la communauté. Cependant, l'expansion de la conservancy d’Ol Lentille visant à inclure les terres de quatre autres Group Ranches ou communautés environnantes a rendu cette approche plus compliquée à maintenir, de telle sorte que le niveau de participation communautaire dans la prise de décision a finalement diminué. En d'autres termes, principalement pour des raisons pratiques, le type de gouvernance a évolué dans la direction opposée de celui de la conservancy de Mara North. Le modèle actuel est caractérisé par un mode de décision unique, du type top-down (décisions prises par le privé). Ce modèle, qui a évolué en réponse à la complexité croissante du partenariat de tous ces groupes, semble être de plus en plus en contradiction avec les attentes des communautés partenaires, qui elles, possèdent la terre et qui devraient donc être par essence les acteurs les plus influents de la conservancy. Cette étude de cas révèle un compromis entre la gestion des risques potentiels et des objectifs de rentabilité d'une entreprise basée sur la conservation par rapport au niveau de participation réel de la communauté dans la gouvernance de la conservancy. Il est sûrement possible de mieux gérer ce compromis et des discussions à ce sujet sont actuellement en cours. D'une manière ou d'une autre, ce sous-type de gouvernance semble atteindre les limites de ce qui est viable et durable pour une conservancy dont les propriétaires fonciers sont les communautés.
Gouvernance privée pure (Borana)
Plus encore que le précédent, la gouvernance privée pure aura tendance à avoir des processus décisionnels plus simples et des lignes de responsabilité plus claires, l'autorité étant entièrement concentrée dans les mains d’un unique acteur. Cependant, dans le contexte actuel du Kenya, la légitimité de ce modèle représente un réel défi puisque la ressource foncière gérée par l’acteur privé dans ce cas, est une vaste zone de terres dont les droits d’accès sont souvent contestés. Bien que la politique autour de cette question soit plus liée à la propriété de la terre (au foncier) qu'à la gouvernance, il semble probable que le ressentiment que certains ont à l'égard de ces conservancies pourrait être atténué grâce à un accord de gouvernance plus consultatif (mais suivant toujours le modèle privé) et grâce à un programme plus substantiel de partage des bénéfices avec les communautés. L’amélioration de l'équité entre les acteurs comme moyen de contrer ce type de ressentiment réside autant dans la reconnaissance et l’écoute des préoccupations des gens et dans l'équité dans le partage de leurs avantages, que dans le volume réel des avantages que cela représente pour eux.
Compte tenu du sérieux débat politique en cours sur la légitimité de ce cas et d’autres conservancies similaires, le potentiel de ce type de gouvernance au Kenya semble être limité avec la possibilité qu'il puisse disparaître en une génération. Un passage à une approche plus consultative pourrait aider à atténuer ces pressions politiques.
Défis rencontrés par tous les types de gouvernance
• Bonne gouvernance et normes traditionnelles :
Certaines notions de bonne gouvernance peuvent ne pas correspondre aux normes culturelles, en particulier dans les sociétés qui ont maintenu des normes et des valeurs traditionnelles fortes, où les décisions de la communauté sont prises par des hommes plus âgés, et avec très peu de consultation des autres membres de la communauté, homme ou femme, ce qui empêche toute notion de participation.
• «Court terme» :
Ce terme, utilisé par plusieurs informateurs dans cette étude, se réfère simplement au fait que les sociétés pauvres donnent la priorité aux avantages et coûts palpables immédiatement ou dans un futur proche (par exemple nourrir la famille) par rapport aux avantages et coûts futurs, bien qu'ils sachent bien que certaines stratégies pour générer ces bénéfices immédiats ne sont pas viables. La mise en place d'une gestion durable, ainsi que des systèmes de gouvernance nécessaires pour superviser ce processus constituent un effort à long terme qui implique souvent, d’abord, des coûts à court terme. Dans certains cas, les membres de la communauté peuvent vouloir et être capables de supporter ces coûts à court terme.Ìý Mais dans d'autres cas, les acteurs externes doivent les soutenir par des mesures d'atténuation pour éviter, minimiser et/ou compenser ces coûts et garantir in fine le succès d’une gestion et d’une gouvernance plus solide de ces ressources naturelles.
• Capture des avantages par les élites :
La question des avantages qui sont captés de manière disproportionnée par une puissante élite de la communauté est un problème universel en matière de conservation (et dans d'autres secteurs). Cela n'a pas beaucoup transparu dans les entrevues de cette étude de cas puisque, compte tenu des contraintes de temps, nous avons inévitablement surtout parlé aux élites. La participation effective des parties prenantes à l'élaboration de politiques de partage des avantages, ainsi que la responsabilisation des élites, rendue possible grâce à un partage transparent de l'information sur qui obtient quoi, est essentiel pour un partage plus équitable des avantages. Alors que tous les types de gouvernance devraient pouvoir atteindre des niveaux élevés de transparence (en particulier dans notre ère moderne des SMS et des médias sociaux), les types de gouvernance qui favorisent une participation communautaire plus forte tendent à être meilleurs en termes de participation dans les politiques de développement et dans leur capacité à rendre compte aux communautés.
• Viabilité financière :
La gestion et la gouvernance efficaces des ressources naturelles, bien que basées sur des contributions volontaires de la communauté, impliqueront de couvrir des coûts significatifs. En ce qui concerne le potentiel des conservancies à générer des recettes, il existe une énorme différence entre les conservancies du Mara et les autres sites étudiés ici. Dans le Mara, les revenus du tourisme peuvent atteindre jusqu'à 100 fois plus par personne que dans certaines conservancies de Laikipia/Samburu. Même s’il y a encore peut être beaucoup à faire pour augmenter les revenus dans ces autres sites, nous devons reconnaître qu’il est inévitables d’avoir de différences majeures entre ces contextes et que ce qui fonctionne avec des revenus élevés n'est peut-être pas une option, là où les revenus sont beaucoup plus bas.
Sans surprise, la conclusion de cette étude est qu'il n'existe pas de modèle de gouvernance unique - tout ce qui est optimal pour un site donné dépendra d'un certain nombre de facteurs spécifiques au site, et en particulier :
- Le foncier: La sécurisation du foncier est une condition préalable au succès de tout type de gouvernance. La question clé qui peut affecter le choix du type de gouvernance est la nature de l'instrument foncier (propriété, bail, concession, propriété d’un groupe vs d’individus, etc.) et le niveau de légitimité que ces arrangements spécifiques ont aux yeux des politiciens et des communautés locales.
- Diversité des parties prenantes, leurs objectifs et autres préoccupations clés. Cela permettra de déterminer si un système de gestion de propriété commune est requis et, le cas échéant, cela exclura les sous-types de gouvernance qui ne permettent pas une participation adéquate des parties prenantes.
- Contexte spécifique au site: Il s’agit de son contexte environnemental, social, économique, institutionnel et politique.
Alors que les systèmes traditionnels de gestion des ressources naturelles des éleveurs Masai et Samburu et des pêcheurs traditionnels sur la côte n'ont jamais été dépendants d'investissements financiers par le passé, le contexte a considérablement changé au cours des 50 dernières années, notamment du fait de l'augmentation du nombre de personnes dont la survie est totalement ou partiellement dépendantes des ressources naturelles. Alors que certains AP n'ont aucun problème à collecter elles-mêmes les revenus nécessaires, d'autres au contraire font face à un énorme défi à cet égard, qu'aucune intervention de gouvernance ne peut résoudre. Mais cela ne veut pas dire que pour que les AP non-étatiques soient viables, elles doivent être capables de générer elle mêmes les revenus dont elles ont besoin, au risque de définitivement échouer dans le cas contraire. Il existe en fait plusieurs modèles d'aide financière à court et à long terme provenant de sources externes qui peuvent facilement être justifiés en termes de protection sociale, de développement et d’atteinte des objectifs environnementaux. Et le fait que les gouvernements des comtés de Marsabit et de Samburu fournissent maintenant un tel soutien est un processus encourageant.
Les questions de ressources humaines et financières, les questions d'incitations pour motiver les principales parties prenantes à s'engager dans la gouvernance et la gestion, et les questions de qualité de la gouvernance sont fortement interdépendantes. Dans de nombreuses conservancies au Kenya, le travail sur la gouvernance a pris du retard dans ces domaines. Cette étude contribuera, nous l'espérons, à remédier à ce déséquilibre et à renforcer les synergies entre ces trois piliers.
[1] ConservancyÌý: ce terme, au Kenya, désigne une terre mise de côté par le propriétaire individuel, une personne morale, un groupe de propriétaires ou une communauté à des fins de conservation de la faune conformément aux dispositions de la loi de 2013 sur la conservation et la gestion de la faune.
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