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Article 10 Mai, 2021

Conservation communautaire

Nouvelles du CEESP: par Fikret Berkes, Université du Manitoba*

Alors que de plus en plus de régions terrestres et marines se voient attribuer le statut d'aire protégée, l'idée de la conservation communautaire suscite un intérêt croissant. Comment les catégories d'aires protégées V et VI de l'UICN fonctionnent-elles avec les populations qui y habitent ? Les aires protégées autochtones et communautaires (APAC) peuvent-elles contribuer à la conservation ? Comment fonctionne la gestion communautaire ?

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Photo: Kim Moa

Photo jointe : Restauration bioculturelle : À Hawaï, l'ahupua'a, un système de gestion des terres et des côtes, a presque disparu après la colonisation, mais il est en train d'être rétabli dans certaines régions. La photo montre la reconstruction des murs en pierre d'un étang à poissons traditionnel (qui fait partie de l'ahupua'a) grâce à un effort collectif sur l'île d'O'ahu (Photo : Kim Moa).

Ce numéro du bulletin d'information n'a pas été été conçu intentionnellement pour être consacré à la « conservation communautaire ». Mais il a été nommé ainsi en raison du nombre impressionnant de contributions qui sont consacrées ou liées à ce thème. Voyez plutôt :

  • au Kenya (Bowden) ;
  • les bénévoles des aires de hivernant en Chine (Wong et al.) ;
  • les communautés luttent en Malaisie (Ramakrishnan) ;
  • , moteur de la formation et de la gestion des écosystèmes marins aux Fidji (Bonito) ;
  • le développement peut-être adaptés à la gestion communautaire (Stolton et Dudley) ;
  • de nouveaux livres en rapport avec ce sujet, (Berkes), et (Nayak).

La solution des 30 % et la conservation communautaire

Comme les membres de la CEESP le savent bien, il existe des limites au nombre et à la superficie totale des aires protégées (AP) qui peuvent être mises en place. Parallèlement, il est nécessaire de passer de la notion d'« îlots » de conservation exempts d'êtres humains à celle d'une coexistence des humains avec le monde naturel. La conservation communautaire fait partie de cet effort qui vise à restaurer les traditions de conservation et à en créer de nouvelles. Les articles de ce numéro du bulletin d'information illustrent la diversité des moyens de parvenir à cet objectif.

La conservation ne peut pas reposer entièrement sur l'action communautaire ; le monde est bien trop complexe et interconnecté pour cela. La conservation communautaire commence plutôt au niveau local avec les citoyens, les associations et les institutions locales qui travaillent avec d'autres niveaux de gouvernance. Comme le montrent le cas de la cigogne et d'autres, l'action locale doit être coordonnée avec d'autres niveaux de gouvernance, ce qui les pousse parfois à s'engager dans une conservation plus efficace en leur fournissant des incitations et un espace politique pour le faire. 

Approches bioculturelles et restauration

La conservation communautaire diffère de la conservation conventionnelle, notamment en raison de l'attention portée aux liens étroits entre nature et culture, ce que l'on appelle l'approche bioculturelle. La diversité culturelle est en partie déterminée par la biodiversité, et cette biodiversité (en particulier la biodiversité des cultures végétales) est en partie un produit des pratiques culturelles humaines. Ces deux types de diversité évoluent conjointement dans une relation à double sens, ce qui a donné naissance à des paysages culturels dans une grande partie du monde, comme dans .

Ainsi, on peut dire que la restauration des écosystèmes dans de nombreuses régions est en fait une restauration bioculturelle de systèmes socio-écologiques intégrés, comme dans le cas des îles Fidji. Et qui protège ce type d'écosystème unique ? L'article sur la Malaisie montre que ce sont les communautés qui luttent contre la destruction des récifs. Ces articles ne sont que deux exemples de la restauration bioculturelle en cours dans de nombreuses régions du monde, qui va de la restauration des mangroves dans une grande partie de l'Asie du Sud-Est à la restauration traditionnelle de l'ahupua'a à Hawaï (photo).

AP et APAC dirigées par des populations autochtones

Parmi les types d'initiatives les plus intéressants liés aux aires protégées (AP), on peut citer ceux qui sont menés par des groupes autochtones. Environ 20 % des terres des peuples autochtones se trouvent déjà dans des aires protégées, ce qui représente environ 40 % des aires protégées mondiales. En Australie, les aires protégées autochtones représentent environ 50 % du système de réserves nationales. Les peuples autochtones (« propriétaires traditionnels ») peuvent décider de désigner ou non leurs terres comme des aires protégées, et choisir le type de cogestion à appliquer à ces terres.

Comme le résume l'ouvrage (Berkes), le Canada (ainsi que d'autres pays) est en train de mettre en place des AP gérées par des communautés autochtones, dont certaines sont très vastes. L'aire protégée de Tallurutiup Imanga, bien qu'en cours de formation, dans l'Arctique de l'Est, couvre 109 000 km² et constitue la plus grande AP du Canada. Deux caractéristiques notables de ces nouvelles aires protégées sont la gouvernance conjointe et la participation officielle des peuples autochtones en tant que gardiens.

Rôle clé des institutions locales dans la gouvernance de la conservation

Les institutions renvoient aux règles en vigueur, selon la lauréate du prix Nobel Elinor Ostrom. La conservation communautaire a besoin d'institutions locales actives. Il peut s'agir d'institutions gouvernementales formelles. Ou plus couramment, comme dans de nombreuses APAC, il peut s'agir d'institutions informelles. Cela ne les rend pas moins « réelles » lorsqu'il s'agit d'établir et d'appliquer des règles sur les biens communs, un point qu'Elinor Ostrom aimait à souligner. 

L'ouvrage (Nayak) présente des exemples provenant de nombreuses régions du monde et couvrant divers types de ressources. Ces exemples donnent un aperçu des processus par lesquels les terres et les ressources sont utilisées conjointement dans le cadre de l'action collective et d'institutions de gestion des biens communs (« communalisation »), et des circonstances dans lesquelles l'utilisation conjointe et l'action collective échouent (« décommunalisation »).

Les pessimistes utilisent souvent des exemples d'échecs de la conservation. Mais il est important de savoir qu'il est également possible de construire des institutions pour soutenir la durabilité. En fait, tous les cas de cogestion d'aires protégées en Australie, au Canada et ailleurs sont des exemples de création d'institutions de gestion des biens communs en faveur de la conservation.

Comme l'affirme , la conservation de la biodiversité est en train de passer d'une gestion biologique à une gouvernance interdisciplinaire. La conservation communautaire est un ingrédient clé de cette transformation. révèle l'énorme potentiel des nouvelles institutions de gestion des biens communs au niveau local. Avec la publication de l'UICN, (Charles), qui a fait l'objet d'un article dans notre dernier bulletin d'information, ces trois ouvrages sont le signe d'un consensus émergent en faveur d'une conservation socialement équitable et démocratisée, dans laquelle les communautés font partie de l'écosystème et possèdent des institutions de gestion permettant de conserver non seulement la diversité biologique mais aussi la diversité bioculturelle.

* Le Dr Fikret Berkes est professeur émérite au Natural Resources Institute de l'Université du Manitoba, au Canada. Les travaux du Dr Berkes portent sur la résilience socio-écologique, les biens communs, la cogestion et les connaissances écologiques locales et traditionnelles. Parmi ses onze ouvrages figurent Advanced Introduction to Community-based Conservation (Edward Elgar, 2021) et Sacred Ecology (4 e édition, Routledge, 2018).